L’obstination présidentielle à ne pas entendre les parlementaires, les corps intermédiaires et les citoyens ne date pas du projet de loi sur les retraites. Elle prend sa source, dès 2017, dans les paraboles du « en même temps » et du « et de droite et de gauche ». Vendues alors comme un hymne à la discussion et à la fin des dogmes, elles aboutissent à l’inverse.
Les limites du « en même temps »
La prétention de vouloir incarner tout à la fois, rend incapable, en réalité, la prise en compte de la diversité des opinions et la confrontation démocratique.
Le débat finit par être systématiquement bridé et la tension sociale ne peut que monter.
Que peut-on opposer à cela ? Prenons l’exemple des retraites ; on peut espérer le maintien d’une forte mobilisation maîtrisée et animée par l’intersyndicale. On peut aussi souhaiter la réussite du recours devant le Conseil constitutionnel ou encore l’aboutissement du Référendum d’Initiative Partagée déposé par les parlementaires de gauche, le 17 mars 2023.
Ces parades sont toutes impératives pour empêcher la mise en œuvre d’un projet cynique mais elles ne proposent pas d’alternatives au dogme du « en même temps » qui supprime toute utilité au débat démocratique. Or, c’est là que se situe l’essentiel si on veut à nouveau faire respirer correctement la démocratie.
Ce qui est donc nécessaire aujourd’hui, c’est le renouveau de la proposition alternative et responsable.
On sait l’inutilité du projet de loi sur les retraites. Les conclusions du Conseil d’Orientation des retraites en témoignent.
On sait l’injustice de ce projet envers les plus modestes et les salariés qui subissent les professions usantes, et elles sont nombreuses.
On sait qu’il ignore l’état de santé des Français puisqu’en moyenne, l’âge en bonne santé est de 64 ans pour les hommes et de 65 ans pour les femmes.
On sait enfin que, contrairement à ce que prétend le Président de la République, cette réforme ne sert pas à la pérennité du système de retraite par répartition. Au contraire, le but est d’obliger les salariés à capitaliser pour pouvoir partir avec suffisamment de ressources financières sans attendre un âge déraisonnable.
Tout cela justifie que l’on s’oppose au gouvernement mais il convient de proposer une vision d’ensemble aux Français pour qu’ils se sortent, et la démocratie avec, de l’engrenage actuel.
Ainsi, envisager la question des retraites, ce n’est pas qu’une affaire comptable, c’est envisager en amont l’accès et les conditions au travail et, en aval, la considération que nous devons porter aux aînés.
Les déficits des régimes de retraite ne sont pas causés par l’âge de départ à la retraite qui serait trop précoce. Il est causé par l’arrivée tardive sur les marchés de l’emploi des jeunes générations, la précarisation de l’emploi qui se traduit par la multiplication des temps partiels et des carrières hachées par des périodes de chômage et enfin par la mise au banc fréquente des séniors dans l’entreprise.
Après la mobilisation, l’action
Les pistes de réflexion pourraient être ouvertes vers la prise en compte des années d’études (études longues ou en alternance professionnelle) dans le calcul du nombre de trimestres tout comme les années de responsabilité dans le champ associatif qui sont autant d’engagement pour la cohésion sociale.
Réfléchissons également à l’accès à une véritable formation permanente pour les salariés afin qu’ils évitent de longues périodes de chômage ou la poursuite de métiers à forte pénibilité pour les séniors en bénéficiant d’une reconversion professionnelle.
Développons les économies locales pour stopper la concentration de l’emploi dans les métropoles afin de pallier les problèmes de mobilité vers l’emploi, notamment pour les ruraux et périurbains.
Par ailleurs, cessons de considérer le vieillissement de la population comme un fardeau, mais comme une évolution naturelle d’une société au niveau social élevé. Rester au travail plus longtemps est antinomique avec la prise en compte de cet objectif et c’est opérer un véritable retour en arrière.
Le droit de jouir d’un temps de repos le plus large possible après une vie consacrée au collectif, dans un état de santé le plus correct possible, doit être le cap de toute vraie réforme sur notre système de retraite par répartition.