Entretien avec Didier BAZINET, conseiller départemental du canton de Ribérac, vice-président du Conseil départemental en charge de l’Agriculture, de la forêt et de l’Aménagement rural après la sortie du rapport de la Cour des comptes qui a recommandé de réduire le cheptel bovin français afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Germinal PEIRO, Président du Département, a dénoncé une « analyse écologiquement inappropriée, économiquement dangereuse et socialement inacceptable ». Didier BAZINET livre son analyse et s’exprime sur la situation des agriculteurs aujourd’hui en Périgord et la politique mise en place dans le département pour les accompagner.
Quel est votre avis sur ce rapport ?
Je trouve que ce rapport est accablant et à la limite du scandale. Alors que l’élevage traditionnel est vertueux et de qualité, il est montré du doigt et c’est anormal. L’abandonner voudrait dire laisser une place encore plus importante à l’élevage industriel et aux importations. Pourtant, nous savons toutes et tous, aujourd’hui, à quel point cela pollue. On néglige dans ce rapport le rôle de l’agriculture et on conteste l’existant. Au Conseil départemental de la Dordogne, nous souhaitons soutenir une agriculture à taille humaine, un élevage traditionnel qui assure la fertilité des sols, loin de l’élevage intensif, une agriculture paysanne qui fait moins, mais mieux, et prend également en compte le bien-être animal.
Le Département de la Dordogne est une collectivité locale en pointe à l’échelle de la France pour la restauration bio et locale dans les cantines des collèges. Cela prouve que l’on peut être un département rural, agricole et fervent défenseur de l’environnement ?
Nous sommes dans une démarche vertueuse de relocalisation de l’agriculture, qui alimente en produits bio et locaux nos collèges. Quand on fait le bilan, avant, dans nos cantines, il y avait 20% de produits locaux, aujourd’hui, avec la labellisation, on est à 80%.
C’est désormais un travail à faire avec d’autres restaurations collectives comme dans les EHPAD, par exemple, et nous allons essayer de trouver des solutions avec Manger Bio Périgord.
Nous sommes un département rural, agricole et nous prônons l’excellence environnementale. Il faut arrêter d’opposer les deux. En respectant la ruralité, en respectant nos agriculteurs et en respectant notre terre, nous laisserons un monde meilleur demain, plus sain, pour toute forme de vie.
Vous étiez aux côtés des agriculteurs du Ribéracois en janvier dernier lors de leur manifestation. Ils ont été nombreux à être impactés par l’orage de grêle et à voir leurs exploitations mises à mal. Est-ce que la situation s’est améliorée de ce côté-là ?
Il n’y a pas de réelles améliorations. Certains agriculteurs ont des pertes très importantes. Les aides de l’Etat ne dépassent pas les 20 000 euros par exploitation, or les pertes sont largement supérieures.
Le Département a mis en place des mesures de son côté, dont le Revenu de Solidarité Active (RSA) par dérogation et des aides exceptionnelles d’urgence, afin de permettre aux éleveurs la mise en place de semis de cultures fourragères.
Les laitiers et les céréaliers ont été les plus impactés et il faudra des années pour que ces agriculteurs se relèvent.
La Dordogne est le département qui accompagne le plus ses agriculteurs en Nouvelle-Aquitaine. Pouvez-vous nous expliquer quelle politique vous avez choisie de mener ?
Depuis 2016, le Conseil départemental de la Dordogne a fait évoluer ses politiques publiques en faveur de l’agriculture en les intégrant dans une stratégie globale d’autosuffisance alimentaire. Celle-ci s’est notamment traduite par le programme 100 % bio, local et « fait maison » à destination de ses collèges, qui est reconnu à la fois sur le plan national et au niveau européen.
Nous souhaitons être en mesure d’accompagner notre agriculture dans une évolution qui permettra de concilier viabilité économique, changement climatique et préservation de l’environnement. Nous avons donc tout d’abord adopté les orientations suivantes en matière agricole : promouvoir et organiser les circuits courts, la vente directe et l’approvisionnement de nos industries agroalimentaires, contribuer à l’installation et à la transmission, développer une agriculture durable, accompagner les territoires ruraux et promouvoir des produits de qualité, soutenir les agriculteurs en difficulté, développer le manger Local, 100 % bio, « fait maison » et la valorisation des produits bio locaux auprès de la restauration collective de notre territoire.
Nous avons la chance d’avoir un service de l’agriculture et de l’agroalimentaire qui apporte de son côté une ingénierie au profit des autres collectivités, notamment dans le cadre de projets innovants.
A terme, nous voulons que tous les agriculteurs de Dordogne puissent créer de la valeur ajoutée sur leur exploitation. Pour cela, nous allons travailler à améliorer la traçabilité qualitative des productions agricoles, contribuer à l’attractivité de la profession agricole, réduire l’impact environnemental de notre agriculture et accompagner sa relocalisation économique.